Dessouchage d'une haie de vieux cyprès
L'élimination d'une vingtaine de cyprès vieux de 30 ans a été confiée à des jardiniers car le volume végétal était très important et il a fallu six voyages de camionnette vers la décharge pour éliminer toutes les coupes.
Il restait ensuite les souches qu'il fallait enlever. J’ai fait l’erreur de faire couper très court ce qui a ensuite beaucoup compliqué l’élingage. Une hauteur de 50 cm aurait été bien plus facile…
Pour dessoucher il y a plusieurs possibilités :
La technique du pourrissement
Percer de nombreux trous dans la souche, garnir de gousses d’ail (surtout s’il y a des vampires), ou de produits chimiques ultra agressifs si l’écologie est le dernier de vos soucis, attendre cinq ans, puis si cela n’a pas fonctionné, recommencer comme au début autant de fois que nécessaire. N’étant pas assez patient j’ai choisi une autre méthode.
L'arrachage
Soit creuser très profond à la pioche ce qui est extrêmement fatiguant pour dégager l'ensemble des racines.
Soit creuser modérément pour couper les racines accessibles et procéder à l'arrachage avec traction verticale.
J’ai choisi la méthode d'arrachage avec petits moyens de bricoleur (sans bulldozer...).
Comment procéder ?
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Le tripode
Il faut d'abord disposer d'un point de traction solide à deux mètres du sol.
J’ai choisi des étais de maçons en bas de gamme, dans un magasin de bricolage, pour un prix d’une cinquantaine d'€ les trois.
Totalement déployés ils peuvent aller jusqu'à 2 mètres 90, mais il faudra les sortir au minimum pour éviter de les plier.
La photo nous montre l'arrachage d'une petite souche d'une quinzaine de kg.
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Ferrure de tête
J'ai réalisé une ferrure simple en partant de tige filetée de 12 mm, cintrée à la main sur le tube pour former des « U ». Ils n’ont pas besoin d'avoir une résistance mécanique très importante, ils servent simplement à guider la chaîne qui supporte les efforts de traction pour accrocher une grosse manille qui constitue le point d'encrage.
Pour mettre en place le tripode et faire tenir la tête, un petit bout (= cordage, prononcez le "T" ou sandow assez lâche passe dans les trois anneaux en tiges filetées et donne une grande souplesse pour l'ajustement sans que tout ne s'écroule.
Une fois les étais bien réglés, la tête à la verticale de la souche, la chaine sera passée entre chaque anneau et la manille et fermée par une manille ou un boulon. Il vaut mieux utiliser une petite chaine de 6 ou 8 et multiplier les tours pour bien répartir les forces. |
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Le montage est simple et rustique, mais il serait préférable, si l’on dispose d’un poste à souder de réaliser une plaque avec trois articulations pour mieux répartir les poussées et faciliter le déplacement des pieds. La pire des solution est de relier trois coins par un boulon, ce qui crée des contraintes inacceptables.
Sur sol est meuble, il faudra boulonner à la base des plaques ou des morceaux de cornières et s’appuyer sur des planches épaisses maintenues par des vis, pour diminuer la pression et éviter aux pieds de trop s'enfoncer.
Pour mémoire la pression est égale au rapport de la force sur la surface, donc si on double la surface, la pression sera deux fois moindre et l'enfoncement très réduit.
Remarquez la petite chaîne qui fait quelques tours pour accrocher l’anneau principal et le palan en double. |
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Le tirefort (ou Tirfor ou treuil manuel)
Passons maintenant au point très critique du tirefort qui est censé fournir une force de traction maximale de 4 tonnes c'est-à-dire 2 tonnes (très optimistes...) doublées par le palan, si l'on oublie les pertes par frottements. En réalité, ce treuil ne supporte pas plus d’une tonne doublée par le palan.
Quand on n’a pas d’expérience du dessouchage, on pense qu’une tonne représente une force de traction énorme, mais en réalité, pour des souches moyennes, il faudra bien plus que cela et se posera le problème de la résistance limitée du point d’accrochage.
Les souches résistent très fort, et avant de commencer à tirer, il faudra dégager au maximum pour couper le plus de racines possibles, ce n’est pas un radis que vous allez déterrer…
Sous des efforts pareils, tout casse et il faut être très prudent pour ne pas se blesser.
J’avais l’expérience positive d’un vrai Tirfor à mâchoires, de qualité professionnelle, utilisé dans mes travaux sous-marins pour remonter des ancres de plus de 4 tonnes sans grandes difficultés, et je pensais naïvement qu’un matériel vingt fois moins cher fonctionnerait aussi bien.
Ce petit matériel acheté par Amazon une cinquantaine d'€, s'avère très médiocre et ne peut pas être envisagé pour une utilisation suivie.
Après avoir arraché les deux plus petites souches, il commence déjà à y avoir des gendarmes sur le câble acier et le cliquet est marqué (travailler avec des gants et lunettes de protection !). C'est du bas de gamme en mauvaise ferraille chinoise. |
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Premier problème il n'y a pas de joint au niveau de la poignée et du tambour et comme les flasques sont en métal mou, lorsque l'attraction devient importante l'ensemble se serre et bloque.
Il faut commencer par tout démonter, fabriquer des rondelles minces et tout graisser pour que cela puisse fonctionner moins mal.
Le cliquet du tirefort
Un autre problème survient en charge, l’écrasement bloquant complétement le cliquet ce qui empêche le système de fonctionner.
Il faut démonter le cliquet et le modifier en faisant très attention, le petit ressort est difficile à replacer. |
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Pour tenter d'améliorer le système j'ai rajouté un bras de déport aluminium en filetant deux trous pour vis de 5 mm.
Le ressort n'ayant absolument pas la force de ramener le cliquet en charge, il faut l’aider avec de forts sandows tirant sur ce bras.
Il faudrait encore modifier l'ensemble pour rajouter des entretoises qui limiteraient l’écrasement des flasques mais c'était pas très facile .
Détail de la réalisation d'une rallonge du cliquet afin de renforcer l'action du ressort en utilisant des sandows extérieurs. |
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Décrochage dangereux
Quand le palan est en traction forte et arrive en bout de course, il faut tout relâcher pour se reprendre plus bas en déroulant le câble. Il n'y a pas de marche arrière.
Le déblocage des deux cliquets est très brutal et dangereux, il faut auparavant rajouter une chaîne de sécurité avec crochets, ou un palan supplémentaire, pour retenir la charge sous tension le temps de se reprendre.
À la troisième utilisation le tambour central s’est déchiré, il faut le reprendre avec une plaque de renfort ou par soudure.
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La préparation de la souche
Il faut préparer la souche en commençant par creuser, mais le travail à la pioche et à la baramine est très fatigant et il faudra se limiter au minimum syndical d'une quinzaine de centimètres pour repérer les départs des plus grosses racines.
L’accrochage
Il reste maintenant à accrocher une grosse manille qui sera le un point fixe sur la souche.
J’utilise du câble inox de 4 mm en faisant une dizaine de tours passant dans la manille et je bloque le tout par des burins ou tirefonts plantés dans la souche afin d'éviter que l'ensemble ne remonte ou une grosse chaîne suivant les cas.
Un bout de chaîne facilite l'opération pour amener le tire-fort à la bonne hauteur. Il reste alors à procéder au pompage pour démarrer l'arrachement.
Très vite la force n‘est plus suffisante pour pouvoir manœuvrer le levier et le cliquet se bloque, il faut tirer très fort sur le bras rajouté grâce à un ensemble de sandows.
Je n’avais malheureusement pas de dynamomètre, mais la force semble bien loin des 4 tonnes annoncées.
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Pour passer à l'étape suivante j'ai utilisé un tube rallonge aluminium de 2 mètres sur le bras de levier, en faisant toutefois très attention car le système est en limite de rupture et on s'attend à tout moment à ce que l'ensemble explose. C’est une erreur, si l’on n’a plus assez de force avec le levier d’origine, c’est qu’il faut s’arrêter et mieux dégager les racines.
On commence à entendre des craquements dans la souche, le sol se soulève, il faut prudemment dégager la terre avec un petit outil autour des racines et peu à peu la souche se libère,
Sur la photo vous voyez une petite souche de 15 cm de diamètre et 15 kg qui est venue assez facilement j'ai eu beaucoup plus de mal pour les souches de 30 cm de diamètre et d'une quarantaine de kilos pour lequel il a fallu creuser beaucoup plus,
Il existe évidemment l'alternative de passer par une entreprise avec dessoucheuse industrielle qui est une grosse fraise animée par un moteur thermique et qui broie la souche de manière efficace, mais c'est un matériel professionnel dont la mise en œuvre est chère. |
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La douzième souche fatale
Arrivé à la douzième souche d’une trentaine de centimètres de diamètre à 20 cm du sol, un peu plus grosse que les précédentes, il y a eu un contretemps.
Tout d’abord, à ma grande surprise, un des étais a flambé et j’ai dû le tronçonner pour continuer tant bien que mal.
Il y a une explication pour ce flambage !
Les deux autres étais s’appuyaient sur la terre et la poussée était bien axiale, ils ont tenu, mais le troisième s’appuyait sur un angle de murs sur un coin du carré d’embase.
La poussée se faisait alors sur l’extérieur du tube initiant une courbure qui s’est aggravée en charge.
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A ce moment, le tambour était complétement déchiré, le câble était emmêlé et seule la moitié restait exploitable, il y avait plein de gendarmes et les cliquets tordus et déformés.
Le levier s’est définitivement plié et le câble a explosé.
J’avais compris dès le déballage que cela finirait ainsi (sauf pour l’étai) et j’ai été étonné de pouvoir arracher les onze premières souches les plus petites.
La vengeance
Grâce au prêt d'un palan à chaîne et malgré un étai raccourci, la souche récalcitrante a fini par lâcher avec l'aide de l’increvable scie sabre Lidl qui a coupé autant de cailloux que de racines. La souche était vraiment énorme, et il m’en reste encore deux du même genre, demandant des heures de préparation.. |
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Réflexions sur les résistances des matériaux
Câble acier galvanisé
Les meilleurs câbles en acier galvanisé, 7 torons de 19 fils de diamètre 5 mm, ont une résistance donnée par les constructeurs inférieure à 1,5 T.
Il est donc impossible de fabriquer un palan de 2 T avec un tel câble…
Autre anomalie
Le bras de levier est de 50 cm, le diamètre du tambour à moitié enroulé est de 6 cm.
Considérons que la force maximale exercée est de 60 kg à 45 cm (à deux mains), le rapport multiplicatif est de 45/6, donc la force de traction maximale est de 60 * 45 / 6 soit bien moins de 0,5 Tonne avec les pertes par frottements.
Si l’on allonge le bras de levier comme je l’ai fait à tort pour forcer plus, tout explose.
Il est donc raisonnable de considérer que la valeur de 2 T annoncée est gonflée par un facteur quatre.
(Remarque : Pour savoir avec quelle force vous appuyez sur le levier, c’est simple, montez sur un banal pèse-personnes, appuyez sur le levier en charge et regardez de combien votre poids a diminué...).
Conseils de bon sens
Sécurité
Ce matériel de levage est peu fiable et dangereux, il faut prendre des précautions !
Eloignez enfants et curieux, et toujours travailler avec gants et lunettes de protection.
Stratégie
Commencez par les souches les plus petites pour apprendre (c’est bon pour le moral), avec les grosses, tout peut casser et interrompre le valeureux chantier, en attendant de changer de ma pour un meilleur matériel.
Près d’un mur
Attention avec les souches près d’un mur, les racines peuvent être très profondes et passer sous les fondations, le mur peut partir avec la souche, il faut couper.
Loin d’un mur il ne faut pas tenter au début de couper les racines près de la souche, elles sont trop grosses et ensuite il faudra encore faire des efforts pour les arracher. Coupez le plus loin que vous puissiez dégager.
Creusez dessous pour passer une chaîne entourant la plus grosse racine, elle ne glissera pas et tout viendra ensemble.
Conclusion
Oui il est possible de tenter l’aventure de dessoucher soi-même ponctuellement une vingtaine de petits cyprès pour un prix d'une centaine d'euros, plus des bouts de chaînes et moultes manilles, (et transpiration avec mal au dos).
Si les souches sont trop grosses, il faut changer de technique.
La préparation de l'élingage est longue et doit être soignée. Une aide est la bienvenue pour pouvoir partager les efforts, car il faudra user de la pioche pour dégager au mieux les départs des grosses racines.
Quand on achète du matériel bas de gamme pas cher, il ne faut pas rêver au vu des performances fantaisistes annoncées, on en a pour son argent.
Il vaut mieux investir plus sur un palan à chaînes probablement moins dangereux qu'un médiocre tirefort.
Un tirefort ou un palan à chaînes de qualité acceptable qui puisse tirer 4 tonnes (théoriques) n'existe pas à moins de 100 €. Attention aux étais premier prix !
Il peut être rentable d’acheter du bon matériel, d’occasion ou neuf que l’on revendra à moitié prix à la fin de l’opération si elle doit être unique.
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